Dans notre tour de France des éducateurs, direction les Hauts-de-France, au SA QUESNOY, avec Mickaël Ferreira coach des U18 R2 qui nous parle de son expérience en tant que coach en situation de handicap, suite à un accident de moto. Une force de courage et de persévérance qui force l’admiration.
Mickaël, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?
Bonjour, je m’appelle Mickael Ferreira, j’ai 48 ans, je suis éducateur des U18 Régional 2 au SA Le Quesnoy, dans les Hauts-de-France.
Peux-tu nous parler de cet évènement qui n’est pas parvenu à éteindre ni ta force mentale, ni ta passion pour le football ?
J’ai eu un accident de la route en moto en 2003. Suite à cela, j’ai perdu l’usage de mes jambes et de mon bras droit.
Tu as choisi le combat plutôt que la résignation. Le football a-t ’il joué un rôle important à ce moment-là ?
J’ai choisi de me battre, car je suis comme ça naturellement depuis tout petit. Je ne lâche jamais rien dans la vie de tous les jours. Le football a eu un rôle prépondérant suite à cet accident. Il m’a permis de rebondir, de me reconvertir professionnellement, de me fixer des objectifs et surtout de continuer ma passion qu’est le football même si ce n’était plus en tant que joueur.
Tu as donc endossé le rôle d’entraineur pour continuer à vivre ta passion, mais y ‘avais-tu déjà songé lorsque tu étais joueur ?
Je suis devenu entraîneur, car le football est plus qu’une passion, c’est une très grosse partie de ma vie. Pour être tout à fait franc, je n’y avais pas tout de suite songé. Mais quand j’étais encore joueur, j’aimais comprendre, les entraînements, les compos tactiques, je parlais beaucoup avec les entraîneurs et j’étais plutôt leader dans les équipes où j’évoluais.
Outre les difficultés sur le plan purement footballistique qu’on peut connaitre en commençant le coaching, on imagine que tu as dû en plus faire face à des difficultés logistiques et pratiques ?
J’ai rencontré quelques problèmes au niveau accessibilité, ce qui est tout à fait normal, car les clubs adverses ne peuvent pas tous être en mesure d’accueillir des PMR coaches, mais je suis quelqu’un de très organisé et surtout, je n’avais pas le choix… Je dois toujours tout anticiper, mais ça se passe plutôt bien dans l’ensemble. Le plus dur quand vous êtes entraîneur de foot en fauteuil, c’est qu’il y a toujours des à priori et malheureusement, vous devez toujours prouver et vous surpasser plus que les autres pour qu’on vous fasse confiance et croit en vous.
Cette saison, tu suis une formation d’éducateur dispensée par le district Escaut, et La ligue des Hauts-de France, tu as consacré un beau reportage là-dessus. Tu es fier de cette reconnaissance ?
Oui, je suis fier de cette reconnaissance, mais je pense que les ligues et les districts peuvent et doivent encore faire plus. Si j’ai accepté ce reportage, ce n’est pas juste pour montrer l’exemple. C’est aussi pour changer le regard des autres, pour changer les mentalités : qu’il y ait une prise de conscience collective afin d’intégrer au mieux les PMR aux clubs, et de rendre accessible les complexes sportifs dans leur globalité à tout type de handicap.
La saison dernière, tu entraines l’équipe U17 du Quesnoy en Départemental 1 et tu montes en Régional. Quels ont été les ingrédients de ce succès ?
La saison dernière, nous avons réalisé quelque chose d’exceptionnel, jamais arrivé au club. En dehors des principes de jeu bien précis que j’ai mis en place, de l’état d’esprit et du travail acharné à l’entraînement, la première chose que j’ai voulu changer quand j’ai repris ce groupe — et c’est ce qui a été déterminant dans cette montée — c’est la mentalité de mes jeunes joueurs. Je leur ai dit, maintenant, vous n’allez pas essayer de gagner, ou peut-être atteindre les objectifs qu’on se fixe, mais vous allez gagner et vous allez dépasser ces objectifs ! J’ai banni les mots « peut-être », « essayer », et tous ceux qui n’ont pas de résonance positive. Le but était de leur donner de la confiance, de la détermination, de l’ambition, et surtout de changer leur mentalité.
Tu as suivi ton groupe aujourd’hui en U18 Régional 2, comment se passe ta saison ?
J’ai suivi mon groupe en U18 R2, car les joueurs avaient encore une belle marge de progression, et le niveau Ligue peut leur permettre d’exploiter pleinement leur potentiel. La saison se passe plutôt bien. Nous avons très bien débuté, ensuite, nous avons connu un passage à vide pendant plusieurs matchs (avec énormément de blessés et suspendus), mais nous avons continué à travailler et surtout, nous sommes restés fidèles à notre ligne de conduite et nos principes de jeu. Ça nous a permis de finir avec deux belles victoires d’affilée avant la trêve.
Quelles différences notes-tu entre le niveau départemental et le niveau régional chez les jeunes ?
Entre le niveau départemental et régional, il y a une différence au niveau de l’intensité, constante sur toute la durée d’un match. Il faut être capable de répéter les efforts et les courses à hautes intensités. Alors qu’en district le rythme est beaucoup moins intense, et il est plus saccadé sur la durée d’un match, car beaucoup d’équipes ne sont pas assez bien préparées physiquement. L’autre différence notable est l’efficacité des équipes devant le but.
Quel est le style de football que tu aimes et cherches à développer avec les équipes que tu entraines ?
Je ne suis pas un fan du football de possession du style de l’équipe d’Espagne ou du Barça. J’aime le football qui attaque avec et sans ballon. Je m’explique : dès la perte de balle, je ne veux surtout pas voir mon équipe reculer. Au contraire, je veux voir mes joueurs avancer et travailler rapidement et efficacement à la récupération du ballon. Ça demande beaucoup d’efforts et de contre efforts mais en récupérant le ballon assez haut chez nos adversaires, ça demande à l’inverse beaucoup moins d’efforts pour se créer des occasions. Je préfère défendre en avançant plutôt qu’en courant vers notre but. Je dirais que 70% de nos buts sont marqués suite à cette approche. Et avec ballon, j’adore le foot de transition, jouer rapidement vers l’avant et attaquer en nombre.
Il y a des entraineurs qui ne jurent que par le jeu, d’autres plus adeptes du travail analytique… de quoi sont constituées tes séances d’entrainement ?
Je fais énormément de jeu dans mes séances comme des situations de matchs offensives et défensives. Beaucoup de travail devant le but avec des combinaisons pour offrir une multitude de solutions à mes joueurs en situation de match. Mais la priorité dans mes séances, et je le répète toutes les semaines, c’est de mettre beaucoup d’intensité et de développer la communication entre partenaires.
Tu as entrainé des seniors, aujourd’hui des jeunes en foot à 11. Vers quel football penses-tu te projeter à l’avenir ?
C’est très différent d’entraîner une équipe senior et une équipe U17 ou U18. Former des joueurs m’intéresse davantage. Je prends beaucoup de plaisir à travailler avec mon groupe depuis deux saisons. La marge de progression est beaucoup plus intéressante et importante chez les jeunes. Vous voyez l’évolution individuelle et collective chez les jeunes, que vous ne verrez pas spécialement chez des seniors. Donc, je compte rester en foot à 11, de U14 àU19, peu importe la catégorie.
Rédigé par Lionel Jacquinet