Lorsque l’on pense football, l’on pense généralement football professionnel puis football amateur. Ou alors football adultes, puis football jeunes. Cette organisation de pensée verticale du haut vers le bas ouvre la porte à certaines dérives. Il faut savoir faire la part des choses, et être conscients qu’une équipe de football de jeunes – appelé football d’animation – n’a que peu de similitudes avec une équipe professionnelle, et même tout simplement avec une équipe adulte, qu’elle soit professionnelle ou bien amateur.
Intéressons-nous aux remplaçants. Point commun à toute équipe de football, c’est leur gestion qui doit être différente en fonction du public concerné.
Le rôle, les attentes, et l’utilisation d’un joueur remplaçant est différent selon l’âge et le niveau de compétition. La gestion de ce rôle en football animation peut avoir un impact important sur la poursuite de la pratique chez les jeunes. Il convient de rappeler l’un des principes du football animation : le même temps de jeu pour tous . C’est le meilleur moyen de donner envie à l’enfant de s’investir, et d’entretenir sa passion. Ce principe est très souvent écrit dans les chartes des clubs, et approuvés par les éducateurs. Mais pas forcément appliqué sur les terrains. Pourquoi ? Et pourquoi faut-il éviter ce manquement ?
Les critères de choix et la récurrence
Le choix du ou des remplaçants découle de la décision de l’éducateur, qui est basée sur divers critères. On choisit ses remplaçants par exemple en fonction de leur poste, du système de jeu adopté, de l’assiduité aux entrainements, du caractère et du comportement, ou encore du niveau footballistique. La liste n’est pas exhaustive, chaque raison a ses arguments, recevables ou non selon le point de vue de chacun. Comme dans tout domaine, chaque choix est suivi de son lot de louanges et de contestations.
Ce qui peut être dérangeant, c’est lorsque l’invitation à s’asseoir sur le banc de touche devient récurrente. Le questionnement devient alors légitime. Outre le temps de jeu à équilibrer entre tous les joueurs, débuter une rencontre devrait aussi être un point commun à chaque enfant. Ce point me semble important pour l’apprentissage du joueur, et pour sa confiance. Même si être remplaçant ne devrait aucunement être dévalorisant, le message perçu par un titulaire et un remplaçant n’est pas le même. L’aspect psychologique est à prendre en compte, d’autant qu’il s’agit là d’enfants .
Le football est un sport collectif. Il arrive parfois que l’on invite les joueurs à s’essayer à plusieurs postes : défenseur, milieu, attaquant. Et bien remplaçant est un rôle à part entière, et chacun doit aussi se familiariser avec celui-ci. Sur l’aspect mental, il peut permettre, comme pour une défaite, d’apprendre à gérer sa frustration et ses émotions.
Temps de jeu ou victoire ?
Le match va commencer. Les titulaires sont sur la pelouse. Les remplaçants sont en place également, forcément un peu déçus, attendant avec impatience leur entrée en jeu. On va généraliser et évoquer deux comportements de l’entraineur envers son banc de touche. On a d’un côté l’éducateur qui surveille sa montre, et sait précisément à quels moments il va effectuer ses rotations. Tous ses joueurs vont s’exprimer et profiter de la rencontre. Et puis il y a de l’autre côté le coach qui est attentif au scénario du match. Qui guette le moment propice pour sortir l’un de ses titulaires pouvant lui faire décrocher la victoire, au détriment d’un joueur moins habile. Voici la dualité « éducateur – coach ». Cette distinction des rôles n’a pour seul but que d’illustrer ici ma pensée.
Par éducateur, j’entends l’entraineur d’équipes jeunes, qui a pour mission la formation, la transmission, l’accompagnement, l’empathie, tant au niveau football qu’au niveau éducatif, se souciant davantage des progrès que des résultats. Et par coach, l’entraineur qui exerce ses fonctions dans un contexte de compétition, avec des joueurs plus âgés et avertis, avec le paramètre résultat à intégrer. Pour ceux qui auraient des doutes sur le costume à enfiler en football animation, la question à se poser est : de quoi l’enfant a-t ’il besoin? Il est important de ne pas griller les étapes, et de mettre son public dans les bonnes dispositions afin de répondre à ses besoins du moment. L’enfant n’est pas un adulte miniature. Il se construit, et a besoin pour cela de confiance, non pas de challenge permanent à devoir gagner sa place au sein de son équipe. Le collectif oui, mais pas au détriment de l’individu.
Résister à la pression, favoriser l’empathie
La pression du résultat ne doit pas exister en football animation. Il y a de nombreux autres objectifs : entretenir la passion pour le football, favoriser le jeu, faire progresser le joueur et l’équipe, transmettre les valeurs du football… L’éducateur en phase avec ces idées se heurtera peut-être à une autre forme de pression avec la mode du moment des « parents compétiteurs ». En effet, de plus en plus de parents suivent avec ferveur les performances de leur progéniture, persuadés que seule la victoire est belle, synonyme d’épanouissement de l’enfant et de travail bien fait de la part de l’éducateur. C’est à cette pression là qu’il faudra résister pour ce dernier, et faire abstraction des différents débats portant sur la composition d’équipe, l’attribution des postes, et évidemment la gestion des remplaçants. Il y a malheureusement toujours quelqu’un pour dire que le coaching n’était pas top, que les remplaçants n’étaient clairement pas au niveau, qu’ils auraient dû rentrer plus tard pour continuer à tenir le score, et en plus ils ne sont pas rentrés à leur poste de prédilection…
Il faut se laisser gagner par une seule pression : celle du gamin qui trépigne d’impatience et demande régulièrement quand il va faire son entrée en jeu. Il faut alors faire preuve d’empathie et se souvenir l’impatience qu’on avait, gamin, dès qu’un ballon de football entrait dans notre champ de vision. La progression passe par la pratique, le sentiment d’appartenance à l’équipe, et le sentiment d’en être un membre important.
Conclusion
En football animation, le temps de jeu égal pour tous est une forme de respect envers les enfants. C’est un devoir d’éducateur. C’est aussi le chemin nécessaire pour entretenir et développer la passion, et ensuite le niveau footballistique de chacun. Progresser sans jouer est impossible, et la combinaison entrainement-match est essentielle pour ça.
Choisissez bien l’héritage que vous laisserez à vos joueurs. Votre victoire ce jour importe peu dans ce football d’animation. Elle sera vite oubliée par les joueurs, les parents. Le remplaçant que vous avez laissé sur la touche les trois-quarts de la rencontre l’oubliera rapidement aussi. Il se souviendra surtout de la frustration et du manque de considération. Libre à vous de choisir l’empreinte que vous voulez laisser chez vos gamins.
Rédigé par Lionel Jacquinet
