Interview d’Oussama

par Le Mag de l'Educateur

Le Mag de l’éducateur à l’ambition de mettre en lumière l’ensemble des protagonistes du football amateur.

Après avoir pu échanger avec des éducateurs et observateurs, nous mettons à l’honneur dans cet échange un arbitre.
Nous estimons qu’il était primordial de rendre hommage à cet acteur importantissime du Beautiful Game qui malheureusement est souvent victime d’agressions verbales, voire physiques impardonnables.

Oussama, peux-tu te présenter sommairement stp ?

Oussama 24 ans, je suis né et j’ai grandi à Mulhouse. Je joue au foot depuis tout petit et je suis arbitre depuis mes 15 ans. Hormis une petite pause de 2 ans, j’ai arbitré sans discontinuer jusqu’à aujourd’hui.

Tu officies sur quelle catégorie ?
Compte tenu de ma pause de 2 ans, je dois reprendre tout le « circuit » et j’arbitre aujourd’hui des U18.

Et avant cette pause, tu étais sur quelle(s) catégorie(s) ?
J’étais jeune arbitre de Ligue, j’étais arbitre centrale sur les terrains de Régional (R3 à R1) en jeunes et assistants sur les U14 Nationaux.

Qu’est-ce qui t’a motivé à te lancer et à devenir arbitre ?
Par curiosité ! J’ai voulu être un autre acteur du football, j’ai essayé l’arbitrage, ça m’a plu du coup j’ai fait mon petit bonhomme de chemin.

Est-ce que des dispositions sont mises en place pour la formation et l’accompagnement des jeunes arbitres ?
En District, il n’y a pas spécialement de suivi et d’outils facilement accessibles pour les nouveaux arrivants. Des choses sont mises en place, mais le manque de communication fait que peu de personnes les utilisent.

En général, tu suis une formation initiale d’arbitrage, puis tu es accompagné au démarrage par un tuteur et au bout de quelques mois une observation est réalisée pour valider le statut d’arbitre officiel. Par la suite, tu es seul mais tu peux avoir la visite d’observateurs à ta demande ou sur initiative du district afin de monter en catégories.

Concernant la LGEF (ndlr : Ligue du Grand Est de Football), l’accompagnement et la formation étaient plus poussés. Il y avait des tests physiques avec beaucoup de fractionnés. La ligue dispensait également des formations sur les lois du jeu au siège de l’antenne Alsace basée à Strasbourg. Le suivi était beaucoup plus marqué qu’en district, ce qui se matérialisait par des déplacements réguliers de délégués ou des observateurs.

Un arbitre c’est un éducateur : il a besoin d’avoir énormément de pédagogie et des capacités robustes de communication pour expliquer ses décisions afin de les faire accepter par les acteurs. Ces deux leviers sont des prérequis pour éviter toute dérive.

Comme tu es joueur en parallèle, est-ce que ta double casquette influe ton jeu et ton comportement en match ?
On ne peut pas dire non ! Celui qui répondra non, c’est un menteur ! Les arbitres te diront toujours : « il n’y a pas pire joueur qu’un arbitre » (rires).

Je ne vais pas tomber dans l’autocongratulation, mais ce n’est pas dans mon caractère de monter dans les tours et/ou contester une décision arbitrale. Pour moi un tel comportement est un non-sens : rien ne fera changer d’avis l’arbitre, plutôt que de s’attarder sur ce qui est passé, j’encourage mes coéquipiers à réorienter leur attention et leur énergie sur l’action qui va suivre.

J’essaie d’avoir l’attitude que j’aimerais avoir dans le cas où on inverserait la situation et si j’avais le sifflet en bouche.

Ça t’est arrivé de faire de la pédagogie au sein de ton club pour ramener à la raison tes coéquipiers ?
Évidemment ! Même avant d’être arbitre cela a toujours été dans ma nature. Et mon statut d’arbitre me confère un poids supplémentaire auprès de mes coéquipiers.

Malheureusement, ces dernières années on a souvent parlé des agressions dont ont été victimes les arbitres, as-tu déjà été confronté à des situations similaires ?
Un arbitre c’est un éducateur : il a besoin d’avoir énormément de pédagogie et des capacités robustes de communication pour expliquer ses décisions afin de les faire accepter par les acteurs. Ces deux leviers sont des prérequis pour éviter toute dérive.

J’ai eu des expériences chaudes, aussi bien en tant que centrales qu’assistant. Dans les deux, je suis parvenu à faire descendre la tension.

Après malheureusement, malgré toute la bonne volonté que tu peux mettre, si une personne à décider de dépasser les bornes de l’acceptable tu ne peux rien y faire. Expliquer l’irrationnel, c’est mission impossible !

Au niveau de l’environnement comment gères-tu les éducateurs et parents qui dépassent les bornes ?
Avec les éducateurs je suis « sans-pitié » car ils doivent donner l’exemple à leurs joueurs. Ces derniers sont le miroir de l’éducateur. Il faut donc traiter le problème à la source pour pouvoir tenir son match.

Si après deux avertissements non fructueux, le show continue, je fais appelle au délégué et j’envoie l’éducateur derrière la main courante.

Pour les parents, c’est plus compliqué car nous n’avons aucun levier à leur encontre. Ils sont derrière la main courante, considérés comme des spectateurs, notre champ d’action ne se limite qu’à l’intérieur de celle-ci.

Si des limites sont franchies comme menaces et insultes, je les remonte au délégué mais je reste focus sur mon champ d’action. Ils sont là pour influer comme ils peuvent sur la rencontre et te faire sortir de ton match comme un adversaire lambda, à toi d’être fort mentalement, de rester concentré sur ton arbitrage, c’est la meilleure réponse à ces petitesses.

Basculons maintenant dans le monde « pro », en tant qu’arbitre serais-tu favorable à la sonorisation des arbitres comme c’est le cas au rugby. Des expérimentations ont eu lieu sur quelques rencontres en France ?
C’est un outil pédagogique intéressant pour expliquer aux spectateurs les décisions et le processus qui a mené à cette décision.

Avec la sonorisation on aura, je pense, moins de débordements car les joueurs sauront qu’ils sont enregistrés et seront plus mesurés.

L’arbitre, par conséquent, sera plus « respecté » et comme nous avons une génération qui est très dans le mimétisme, les joueurs sur les terrains amateurs pourraient être moins vindicatifs à chaque coup de sifflet.

La VAR : pour ou contre ?
La VAR est intéressante sur certaines occasions uniquement. Son usage disproportionné actuel n’est pas une bonne chose, elle hache trop le jeu et déresponsabilise trop l’arbitre.

Il faudrait à mon sens limiter son recours à quelques situations et pour permettre de sévir contre des actions de violences en cours de match qui n’auraient pas été sanctionnées par le corps arbitral.

Après c’est humain, quand un outil est nouveau, on aime l’utiliser ! Peut-être qu’avec le temps son recours sera plus mesuré.

C’est un outil pédagogique intéressant pour expliquer aux spectateurs les décisions et le processus qui a mené à cette décision.

Avec la sonorisation on aura, je pense, moins de débordements car les joueurs sauront qu’ils sont enregistrés et seront plus mesurés.

L’arbitre, par conséquent, sera plus « respecté » et comme nous avons une génération qui est très dans le mimétisme, les joueurs sur les terrains amateurs pourraient être moins vindicatifs à chaque coup de sifflet.

Petite suggestion, dans d’autre sports comme le tennis ou le basket notamment, des « challenges » sont à la disposition des équipes et ce sont eux qui peuvent être à l’initiative du recours à la VAR. En tant qu’arbitre, tu en penses quoi ?
C’est vraiment intéressant, je préconiserais alors 3 challenges par équipes activables uniquement par les coachs et les capitaines. Cela permettrait de cadrer son utilisation et par là même faire baisser la tension au niveau de tous les acteurs. En effet, une équipe ce n’est pas seulement 22 joueurs, il faut aussi intégrer à ceux qui sont sur le banc et ce qu’il y a dans les coulisses.

Quelle loi du jeu tu réviserais pour apporter une meilleure fluidité dans le jeu ?
Je reviendrais sur le HJ et supprimerais la modification récente qui stipule que l’intégralité du corps doit être devant le dernier défenseur pour siffler. Ça ne va susciter que des débats stériles et hacher davantage le jeu. Ça n’est pas à mon sens une évolution positive.

Je rajouterais une règle connue de tous les acteurs du monde amateur mais qu’on ne trouve pas en pro c’est l’expulsion temporaire. : C’est une sanction intermédiaire entre le jaune et le rouge.

Mais vu les enjeux financiers liés aux poids d’une victoire et des droits d’images, ça me semble compliqué de la mettre en place à ce niveau.

C’est dommage car ça en calmerait plus d’un et ce serait intéressant footballistiquement parlant de voir les adaptations tactiques sur ces séquences.

Sans transition, quelles sont pour toi les références des arbitres professionnels ?
Il n’officie plus mais pour moi la référence est et restera Pierluigi Colina, c’est non négociable et je ne suis pas ouvert au débat (rires) !

Pour ceux en activité j’apprécie l’arbitrage de Kuipers au niveau international et celui de Turpin dans l’Hexagone.

On arrive à la fin de notre entretien, quels conseils donnerais-tu à une personne qui déciderait de se lancer dans l’arbitrage lors de cette saison 2023-2024 ?
N’hésite pas ! Lance-toi, c’est intéressant, c’est une autre vision du jeu, ça te permettra de voir une autre facette du football.

Surtout ne te laisse pas faire, aie confiance en toi et surtout aie le sourire ça démine pas mal de situations.

ITW réalisé par Rafik
Edité par Alibi

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