Défaut : L’ hyper-anticipation
L’anticipation est fondamentale pour survivre. Nous sommes les descendants d’hommes préhistoriques qui ont eu à chasser et cueillir pour se nourrir, trouver un endroit sûr et chaud pour l’hiver. Stocker les denrées et les gérer pour faire face aux périodes difficiles. Inventer des armes pour se défendre face aux animaux sauvages et aux ennemis. Créer de quoi se chauffer ou se rafraîchir pour faire face au climat changeant.
L’anticipation est dans nos gènes, encore aujourd’hui, elle fait partie de notre quotidien. Nous organisons un RDV au Drive pour récupérer les courses afin de nous nourrir durant les prochains jours, nous préparons notre sac de foot pour aller directement à notre séance à la débauche etc …
L’anticipation permet de nous organiser dans le but de gagner en bien-être et en confort, grâce à elle nous pouvons profiter de nos journées plus sereinement.
L’hyper-anticipation c’est une anticipation qui vire à l’obsession, tout doit être maîtrisé et sous contrôle. Chaque changement devient source d’angoisse, il n’y a plus aucune souplesse dans nos décisions. L’hyper-anticipation vit dans le futur, elle ne profite donc jamais du moment présent. Sa rigidité lui pose des soucis d’adaptation et est donc contre-productive.
En tant qu’éducateur, nous sommes tentés de tomber dans ces travers, car notre fonction nous oblige à nous adapter en permanence. C’est même une qualité première pour notre fonction. Nous sommes sujets à l’hyper-anticipation.
Cela se manifeste de plusieurs façons.
La saison a à peine commencé, vous n’avez joué que quelques matchs et vous vous projetez déjà sur le gros match qui a lieu dans 2 mois ou plus grave encore sur la saison prochaine.
Vous vous posez les questions suivantes :
Est-ce que je conserve cette génération ?
Quels sont les joueurs à absolument conserver ?
Est-ce qu’il y a des joueurs à écarter en fin de saison ?
Dois-je recruter en fin de saison ?
Est-ce que je continue dans ce club ?
Ces questions n’ont rien à faire dans l’esprit d’un éducateur qui n’a joué que 5 matchs de championnat. Vous êtes bel et bien dans une hyper-anticipation.
Les questions à se poser sont plutôt :
Quel est mon moral et celui de mes adjoints ?
Quelle est le moral de mes joueurs ?
Comment s’est déroulé la dernière séance ? Pourquoi ?
Comment puis-je améliorer ma prochaine séance ?
Quels sont les joueurs que je pense sélectionner à l’instant T pour notre prochaine rencontre ?
Je ne me projette jamais plus loin que les deux prochains matchs.
C’est une perte cruelle d’énergie pour le moment présent, de plus il est impossible de prévoir ce qu’il va se passer au-delà en termes de : résultat, blessure, maladie, suspensions, évènement émotionnel important, conditions climatiques etc.
Même pour ce qui est de la programmation de l’entraînement, je suis bien une programmation pour être sûr d’accorder le temps nécessaire à tous mes principes de jeu.
Mais je ne rédige jamais mes séances plus d’une semaine à l’avance. Et sur chaque séance, il y a toujours des micro-adaptations le jour J compte tenu du contexte émotionnel, organisationnel (beaucoup d’absents …), sportif (résultats), météorologique, physique…
Une hyper-anticipation du match est aussi préjudiciable, en tant qu’éducateur, nous essayons de prévoir tous les scénarii pour pouvoir être prêt agir, d’ailleurs, nous conditionnons aussi nos joueurs à cela.
Une mauvaise visualisation du match est très risquée, nous avions prévu 3 scenarii, mais le football nous réserve toujours d’incroyable surprise. Qui pouvez prévoir que notre gardien allait se blesser à la 10ème minutes du match. Qui pouvez prévoir que notre latéral droit allait marquer deux buts en première mi-temps dans un match qui devait être très difficile à entamer ? Si nous hyper-anticipons, même un évènement positif peut se révéler être une difficulté.
Nos valeurs et nos principes de Jeu doivent être les ambassadeurs de notre certitude, nos valeurs lorsqu’elles sont bien ancrées ne bougent pas quel que soit l’évènement, idem pour nos principes de Jeu.