Interview d’Akim

par Le Mag de l'Educateur

Nouvelle étape dans notre tour de France des éducateurs, à l’honneur aujourd’hui la cité phocéenne avec comme ambassadeur Akim éducateur au Sporting Club d’Air bel.

Cet échange vous permettra de découvrir son parcours et les arcanes d’une préparation de saison au sein d’un club amateur qui évolue dans un championnat au niveau National en l’occurrence U19 NAT.

Akim, peux-tu te présenter sommairement ?

J’ai 24 ans je suis aujourd’hui entraineur adjoint des U19 NAT au Sporting Club d’Air Bel, club amateur des Quartiers de Marseille.

J’entame ma 3ᵉ saison au club et j’ai démarré mon parcours d’éducateur à l’US Endoume Catalans en 2019-2020 à la tête des U14. Nous évoluions en 2ème division District.

Mes débuts ont été perturbés par la pandémie de la Covid avec une saison arrêtée au mois de mars 2020 avec l’annonce du 1ᵉʳ confinement.

Comment on arrive à surmonter une telle épreuve ? De surcroît pour son baptême !

C’est très compliqué, on essaie tant bien que mal de garder un lien avec les jeunes grâce aux solutions digitales, mais comme pour beaucoup de secteurs de l’économie : rien ne vaut le contact humain pour atteindre ses objectifs, faire progresser ses joueurs, transmettre son message et progresser soi-même.

Je décris beaucoup de points négatifs, mais j’ai su tirer à profit de cette étape pour officier là où je suis actuellement.

Bonne transition, comment s’est déroulée la connexion avec Air Bel ? Tu as démarché le club ou on est venu te solliciter ?

Un peu des deux (rires). Le microcosme du football à Marseille est petit. Grâce à ma pratique du foot depuis mon plus jeune âge, j’ai pu croiser beaucoup de personnes tout au long de mon parcours et par là même tisser un réseau.

Le Directeur Sportif d’Air Bel est également le président du club du Sporting Club Montredon Bonneveine (SCMB) et ce dernier m’a sollicité pour que je rejoigne le SCMB pendant l’été 2020. J’ai décliné cette proposition à l’époque, car je voulais faire une saison pleine avec mon club.

Le contact s’est renoué quelques mois plus tard lorsque le SC Air Bel cherchait un adjoint en U15 Départemental 1. Des concours de circonstances ont fait que j’ai rapidement basculé avec les U15 Régional 1 pendant la préparation estivale.

Par ailleurs, en U17, j’ai croisé un éducateur qui m’a marqué par sa philosophie de jeu et son discours. Comme le hasard fait bien les choses, il officiait à Endoume quand je me suis lancé, ce qui a facilité mon intégration.

Je me permets de revenir à tes débuts dans le monde des éducateurs, qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer dans le monde des éducateurs ?

Tout a commencé sur le terrain durant mon expérience de joueur. J’ai démarré attaquant et au fil des années, je suis descendu sur le rectangle vert pour finir en défense central. C’est un poste que j’apprécie, car il te permet d’avoir le jeu devant toi et de percevoir des éléments que tu ne constates pas à d’autres postes.

Par ailleurs, en U17, j’ai croisé un éducateur qui m’a marqué par sa philosophie de jeu et son discours. Comme le hasard fait bien les choses, il officiait à Endoume quand je me suis lancé, ce qui a facilité mon intégration.

Quelles valeurs souhaitent transmettre à tes joueurs et surtout quels souvenirs qu’ils retiennent de votre collaboration ?

C’est compliqué de répondre pour les joueurs que j’encadre actuellement, car ce sont des jeunes adultes qui sont déjà majeurs ou vont l’être au cours de la saison.

Malheureusement ce n’est pas à cet âge-là qu’on va leur apprendre des choses sur le savoir être, mais je ne vais pas être original, les valeurs simples comme le respect, la discipline, l’importance du travail individuel au service du collectif, la solidarité, etc…

Quand j’encadrais des plus jeunes, je mettais un point d’orgue à transmettre ces valeurs. Même si bons nombres de jeunes rêvent d’embrasser une carrière de footballeur professionnel, il y a très peu d’élus in fine.

L’objectif était d’ancrer une éthique de travail et un savoir être transposables hors du terrain pour qu’ils réussissent dans les études et qui leur permettront d’acquérir des compétences afin d’avoir des succès dans leur parcours scolaire et leur vie professionnelle.

Peux-tu nous décrire quelles sont les missions qui te sont dévolues en tant qu’adjoint au SCAB? 

Pour contextualiser un peu avant de répondre à ta question, je précise que je suis en binôme avec le même entraineur principal depuis 3 saisons maintenant.

Les missions sont diverses et variées :

  • Au niveau technique, j’anime certains ateliers,
  • Au niveau transverse, compte tenu de notre poule particulière je suis responsable de la partie logistique, de la vidéo et de la partie data.
  • Au niveau management, mon rôle d’adjoint me confère une proximité avec les joueurs qui leur permet de venir me solliciter et me permet de les maintenir concernés pour ceux qui n’ont pas un temps de jeu qu’ils estiment suffisant. À moi de faire le relai avec l’entraineur.

Du coup, dans cette mission de relai, le faible écart d’âge est peut-être un avantage pour mener à bien cette fonction ?

Clairement, ça facilite le contact. Après, il faut placer le curseur au bon niveau pour ne pas tomber dans l’écueil de trop de proximité.

Oui, on a eu Wesley FOFANA, Mohammed SIMAKAN, Mounaim EL IDRISSI, Naouirou AHAMDA et j’en passe… Ça prouve que malgré le fait qu’on soit un club amateur on travaille bien et ça donne de la crédibilité pour convaincre certains joueurs à nous rejoindre.

Dans tes missions, tu as toute la partie logistique. Quand on voit la composition de votre groupe, comment s’organise dans un club amateur des déplacements en Corse, à Colomiers ?

Ça dépend de la distance. Pour les rencontres à l’extérieur les plus éloignées, nous partirons la veille car tu ne peux pas être performant après 6 à 7h de route.

Pour la Corse on le fera en avion. L’objectif, c’est de se mettre dans les meilleures conditions pour réussir un bon match le jour J.

Les joueurs eux sont rompus à ces déplacements-là plupart sortent de centre de formation. Et c’est toujours plaisant pour eux ces expériences avec la « mala » qui va avec (rires).

Tu parles d’un profil de joueurs qui composent votre effectif, ceux qui sortent de centre de formation, comment vous les accompagner à surpasser cette déception ?

Le projet qu’on propose aux joueurs et clair et transparent : du fait que nous n’avons pas d’équipe Senior la vitrine du club est la catégorie U19.

Nous leur offrons la possibilité d’avoir une exposition en évoluant dans un championnat National avec un engouement pour cette équipe. La saison dernière l’affluence moyenne était de plus d’une centaine de personnes voir plus sur certains matchs et ce n’est pas donner à tous les jeunes d’évoluer devant autant de monde.

C’est pour eux l’occasion de se montrer et de retrouver un club pro, à titre d’exemple 1 joueur qui était en U19 chez nous, l’an passé, a signé à Dijon à l’issue de la saison.

C’est un exemple du fait que peu importe le parcours, une issue positive est possible si on est performant.

Vous êtes un peu les Last Chance U de Netflix si je fais un méga raccourci ?

Oui en quelque sorte.

Le projet est clair : proposer une formation de qualité, une exposition aux jeunes talents en championnats nationaux pour soit trouver ou retrouver un club pro soit poursuivre l’aventure en N2 ou N3.

En plus vous avez de nombreux joueurs professionnels qui sont passés dans votre club, du coup ça donne encore plus de poids à votre discours.

Oui, on a eu Wesley FOFANA, Mohammed SIMAKAN, Mounaim EL IDRISSI, Naouirou AHAMDA et j’en passe… Ça prouve que malgré le fait qu’on soit un club amateur on travaille bien et ça donne de la crédibilité pour convaincre certains joueurs à nous rejoindre.

Vu la visibilité et l’étape charnière dans une carrière d’un joueur, comment gérez-vous la pression de l’entourage des joueurs et comment arrivez-vous à maintenir concernés des joueurs qui ont un temps de jeu réduit avec la frustration sous-jacente ?

À partir des U17, on n’a plus de problématique avec les parents mais on le répète tout de même en réunion d’avant saison : nous n’avons pas à nous justifier auprès d’une tierce personne de nos choix ! Nos explications sont exclusivement exposées aux joueurs et avec pédagogie sur des éléments factuels. La porte est toujours ouverte pour échanger avec eux. Ce n’est pas une marque d’ouverture de façade.

L’an passé avec ce même fonctionnement, nous avions eu aucun problème et ça nous déleste d’un poids non négligeable. Ayant officié dans des catégories plus jeunes, je peux te garantir que c’est malheureusement un réel problème avec des échanges chronophages et énergivores.

Concernant les personnes qui accompagnent (agent ou conseiller) les joueurs de centre de formation, les échanges peuvent se faire en amont du recrutement, nous n’avons ensuite pas d’échanges en cours de saison avec eux.

Sur la deuxième partie de ta question, on a un groupe de 28 joueurs et nous retenons pour chaque rencontre que 16 joueurs dont 2 gardiens. Nous n’avons pas d’équipe 2 ni d’U20 ou Senior comme je te l’avais expliqué. Donc ceux qui ne sont pas retenus restent malheureusement à la maison. À nous avec les autres membres du staff de les garder concerné, les rebooster le cas échéant pour qu’ils réalisent de bons entrainements afin de prétendre à pouvoir être dans le groupe les week-ends suivants.

Combien de personnes compose le staff justement ?

Le staff est composé de 5 personnes :

  • Le coach principal,
  • 2 adjoints,
  • 1 préparateur physique,
  • 1 entraineur des gardiens.

Et faites-vous de la vidéo ?

Oui, mais contrairement aux clubs pros, nous n’avons pas une personne dévolue exclusivement à cette tâche.

Depuis l’an passé, le club s’est doté de 2 caméras (VEO) + 1 fixe installée dans notre stade et on alterne entre adjoints et coach principal pour le séquençage et le montage.  Car c’est devenu un outil important.

…Si on veut attendre de nos joueurs un investissement tout au long de la saison on se doit en premier lieu de donner l’exemple et d’avoir une éthique de travail irréprochable. Et on absorbe plus facilement la charge de travail quand on le fait par passion.

Comment s’est déroulée votre préparation estivale et est-ce que votre préparateur intègre le ballon dans ses exercices ou c’est plus ancienne école à la Tudor ?

On s’entrainait tous les jours avec un jour de repos avec 2 journées cohésions. On est satisfait de cette préparation avec un groupe concerné, impliqué et travailleur.

Sans transition au sein de votre club, est-ce qu’une identité de jeu est clairement définie et formalisée dans un projet de jeu ou chaque éducateur fait jouer son équipe comme il l’entend ?

C’est vrai qu’on voit de plus en plus de clubs s’inscrire dans ce que tu décris, mais au sein de notre club on est plutôt dans la seconde partie de ta question. Après, il y a une obligation de résultats : ok, on te laisse la liberté de mettre en place ce que tu souhaites mais il faut être performant et que les points soient au rendez-vous !

Je me doute que tu ne peux pas nous dévoiler des informations précises sur votre tactique, mais tu peux nous partager quelques éléments ?

On fait en sorte de pouvoir être agile et flexible en fonction de la composition de notre groupe, de nos adversaires et des ajustements éventuellement nécessaires à réaliser cours de match.

L’objectif principal sera de pouvoir être solide car nous avons une poule relevée composée de plusieurs centres de formation d’équipes professionnels.

Nous sommes conscients que le niveau d’adversité important et en U19 on sera confronté à certains joueurs qui s’entrainent déjà avec des effectifs professionnels.

Quels sont les objectifs que le staff s’est fixé pour cette nouvelle saison ?

L’objectif primordial et prioritaire, c’est d’assurer le maintien le plus tôt possible. Une fois cette étape validée, on tentera d’engranger le maximum de points et terminer le plus haut possible.

Et à titre personnel ?

Faire une bonne saison, emmagasiner un maximum d’expérience à ce niveau, c’est ma 3ème saison en tant qu’adjoint, je pense qu’à moyen terme, je souhaiterais repasser coach principal, gravir les échelons comme il se doit en prenant le temps de passer mes diplômes.

Pour être entraineur principal en U19 nationaux, il faut un diplôme particulier ?

Oui, il faut le Brevet d’Entraineur de Football (BEF) et au préalable, il faut avoir le Brevet de Moniteur de Football (BMF). Ce dernier est nécessaire si on souhaite encadrer une équipe d’U15-U17 régional.

J’ai la chance d’évoluer dans un club qui souhaite accompagner ses éducateurs dans leur montée en compétence donc quand j’aurai une organisation pro/perso qui le permettra je pourrai me lancer dans ce parcours de formation.

Et au cours de la saison, quel est le rythme d’une semaine type ?

Hormis le lundi, lendemain des rencontres et le samedi, qui sont « off », le reste de la semaine nous avons 1 entrainement par jour de 19h30 à 21h00.

À titre personnel, comment tu arrives à t’organiser pour absorber toute cette charge de travail ?

Malheureusement, je ne vis pas de ma passion, donc je fais toutes ces missions en parallèle de mon emploi. La nouveauté de la saison, c’est qu’on a une session d’entrainement supplémentaire, ce qui va engendrer de très grosses amplitudes.

Je ne me plains pas loin de là, c’est un choix assumé et si on veut attendre de nos joueurs un investissement tout au long de la saison on se doit en premier lieu de donner l’exemple et d’avoir une éthique de travail irréprochable. Et on absorbe plus facilement la charge de travail quand on le fait par passion.

Parlons maintenant de ton expérience : quelle a été ton plus gros échec et comment as-tu pu réussir à te relever ? A contrario quel a été ta plus belle réussite ?

Au niveau de l’échec, ça a été à mes débuts avec un joueur qui était dissipé qui a mal répondu à mon recadrage. J’ai malheureusement surenchéri sans lui manquer de respect bien sûr, mais avec le recul et de par mon expérience, si une situation devait à nouveau se présenter, j’agirais autrement et de manière bien plus mesurée.

À titre personnel, je n’ai pas à date de réussite qui me vienne en tête mais collectivement je retiens les 2 succès en Coupe de Provence avec les U15 et U18 d’Air Bel.

Parlons à présent, des matches, comment tu es sur le banc une fois que le coup d’envoi est donné ?

Je vis à fond le match mais je laisse le coach dans sa zone technique. J’interviens plus sur des consignes individuelles avant la rencontre et pendant la mi-temps.

Après tout au long de la rencontre, on échange pour partager nos analyses respectives et tenter de trouver les ajustements les plus efficients pour performer.

Et vis-à-vis des arbitres, es-tu aussi mesuré ou un peu plus agité à la Sampaoli ?

À notre niveau, nous avons 3 arbitres officiels, 1 délégué et 1 observateur. Le corps arbitral est bien structuré.

J’en profite d’ailleurs pour rendre hommage à tous les arbitres qui officient sur les terrains que ce soit en districts où à un niveau supérieur. Malheureusement on voit trop d’incidents partant du manque de respect à l’agression physique.

Ça ne reste qu’un sport, il ne faut que la raison redevienne la norme et que leur intégrité physique et psychologique soient préservées.

On arrive à la fin de notre échange, que conseillerais-tu à une personne qui souhaiterait se lancer dans l’encadrement d’une équipe de foot ?

Fonce ! Les opportunités sont là les clubs recherches des bénévoles.

Sois curieux, ouverts et n’hésite pas à solliciter l’aide d’autres personnes et poser des questions. Nul n’a la science infuse et contrairement à ce que des personnes peuvent laisser croire : personne ne se fait tout seul. La progression passe avant tout par le travail et le partage.

 Je souhaiterais terminer l’échange en rendant hommage au coach principal Hicham ARHOUN (@arhounHicham sur X / Twitter) que j’accompagne depuis 3 ans au contact duquel j’apprends énormément. Je le remercie pour la confiance qu’il m’accorde.

Retrouvez Akim sur les réseaux : Instagram / Twitter

ITW réalisé par Rafik
Edition par Nicolas

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