Dans notre tour de France des éducateurs, direction le nord plus particulièrement au RC Lens, connu pour sa ferveur et cet esprit familial, Yvvan, éducateur U13 nous présente son parcours, sa méthodologie de travail et sa vision pour accompagner les U13 du RC Lens.
Pour ceux qui ne te connaissent pas, peux-tu te présenter ?
Yvan Dzierzynski, j’ai 34 ans. J’ai passé toute ma formation, de 8 à 22 ans, au Racing Club de Lens sans pour autant signer de contrat professionnel. J’ai ensuite joué dans plusieurs clubs en National 2 en France, tels que l’AS Cannes et l’AS Vitré. À 24 ans, je n’avais plus envie de vivre ces situations précaires. J’avais décidé de préparer ma reconversion. Pour ça, il me fallait revenir dans ma région, j’ai donc rejoint Arras en National 2. C’est là-bas que j’ai véritablement commencé à m’investir dans l’encadrement des jeunes. J’ai accompagné l’éducateur des U16 en tant qu’adjoint, puis j’ai pris en charge une équipe. J’ai passé le BEF (Brevet d’Entraîneur de Football) en parallèle. J’ai passé cinq ans à Arras en tant qu’éducateur, où j’ai construit toutes mes bases d’éducateur, travaillant avec des jeunes de U8 jusqu’à l’équipe réserve des seniors en Régional 2.
Comment s’est déroulé ton retour au RC Lens ?
Avec la covid, mon activité d’entraineur était à l’arrêt dans ma structure amateur, j’ai contacté le directeur du centre du RC Lens, qui fût mon formateur durant plusieurs années, c’est ainsi que j’ai réintégré le RC Lens l’année suivante. J’ai commencé avec les U15, il y a trois ans, puis j’ai encadré les U16, tout en passant mon DES (Diplôme d’Entraîneur de Football). Cette année, je m’occupe des U13. Le club a réorganisé son support de compétition en supprimant l’équipe U16, il s’est également concentré sur la préformation et a professionnalisé ce pôle avec des éducateurs à temps plein, dans le cadre d’une organisation élite.
Revenons sur ton parcours. Tu as intégré le RC Lens à l’âge de 8 ans. Peux-tu nous raconter cette expérience ?
Je suis né et j’ai grandi à Lens. Mon père a vu qu’ils organisaient des détections au club, alors je m’y suis rendu et j’ai eu la chance d’être retenu.
Tu es resté au RC Lens de 8 à 22 ans. Pourquoi n’avez-vous pas signé de contrat professionnel ?
Il y a eu beaucoup de joueurs qui sont sortis à cette période-là. Avec des joueurs tels que Raphaël Varane, Geoffrey Kondogbia, ou Thorgan Hazard, la concurrence était rude. De plus, il m’a certainement manqué quelques éléments pour réussir. Avec du recul, je pense que j’ai atteint mes limites à l’époque, et je n’ai aucun regret à ce sujet.
Quels sont, selon toi, les éléments qui t’ont fait défaut ?
Je n’arrivais pas toujours à performer en compétition comme je le faisais à l’entraînement. Je pense qu’un accompagnement au niveau mental m’aurait permis de franchir un cap en termes de confiance en moi et de gestion du stress avant les matchs notamment.
Tu as suivi le cursus de formation au club, peux-tu nous en dire plus ?
Oui, quand je suis arrivé à 8 ans, La Gaillette n’existait pas encore (elle a été créée en 2001). En préformation, nous étions sur place au club, avec un collège partenaire dans la ville. Ensuite, pour la formation, nous étions en internat au centre de formation, puis en post-formation, chacun était chez soi.
Maintenant, en tant qu’éducateur, quels sont les changements que tu constates par rapport à ton époque de joueur ?
Tout a évolué. Les infrastructures, les moyens mis en place pour accompagner les jeunes, comme la préparation mentale, ne sont plus « négligés ». Il est essentiel de prendre en compte l’aspect humain, car derrière chaque joueur, il y a un enfant ou un adolescent en plein développement.
Le projet de jeu des professionnels est sensiblement le même en réserve, en National 3. Plus on descend en catégorie, plus le projet de jeu est adapté. En U19 par exemple, il est quasiment similaire en termes de système de jeu. Puis plus on approche de l’équipe professionnelle, plus les joueurs recherchés ont des profils adaptés à l’équipe première.
Penses-tu que l’aspect humain est plus pris en compte qu’avant ?
Oui, clairement. Il est important de se préoccuper du joueur dans sa globalité, en tant que personne, pas seulement en tant que joueur de football.
À Arras, Tu as été adjoint en U16, puis tu as pris en charge le groupe en tant qu’éducateur principal. Comment as-tu géré cette transition ?
Cela s’est fait naturellement. J’ai rapidement pris mes marques et développé ma manière de travailler, j’ai également bénéficié de mon expérience en tant que joueur pour guider les jeunes.
Ton expérience de joueur t’a beaucoup aidé dans ton rôle d’éducateur ?
Totalement. J’ai accumulé beaucoup d’informations inconsciemment, qui ont resurgi naturellement lorsque j’ai pris le poste d’éducateur. De plus, le fait d’intervenir régulièrement sur les terrains et mes échanges avec les éducateurs en tant que capitaine m’ont facilité la tâche.
Au RC Lens, vous travaillez avec les mêmes principes de jeu que l’équipe professionnelle ?
Pas nécessairement, le projet de jeu des professionnels est sensiblement le même en réserve, en National 3. Plus on descend en catégorie, plus le projet de jeu est adapté. En U19 par exemple, il est quasiment similaire en termes de système de jeu. Puis plus on approche de l’équipe professionnelle, plus les joueurs recherchés ont des profils adaptés à l’équipe première.
En préformation, bien qu’il n’y ait pas de système de jeu imposé, nous travaillons sur certaines idées communes comme le pressing haut et la construction de nos attaques depuis l’arrière.
Le club encourage-t-il l’éducateur à apporter sa propre touche ?
Oui, le directeur du centre et le responsable de la préformation sont très sensibles à l’idée que chaque éducateur puisse apporter sa personnalité et ses idées à l’intérieur du cadre de fonctionnement commun.
Comment se déroule le recrutement des jeunes ? Est-il basé sur les idées de jeu du club pour la préformation ?
Nous ne recrutons pas en fonction de profils correspondant à un système de jeu spécifique, mais plutôt en identifiant des qualités remarquables chez les jeunes et des potentiels à développer. Ensuite, nous développons ces qualités. L’objectif principal est de recruter des jeunes avec un potentiel pour devenir des joueurs professionnels de haut niveau. En tant qu’éducateur, nous participons activement aux discussions et aux débriefings, ce qui est très enrichissant.
En tant qu’éducateur des U13, quelles sont les principes et les idées de jeu que tu enseignes à tes joueurs ?
Je répète souvent à mes joueurs, que ce sont eux les artistes, les auteurs. J’ai pour idée de les amener lorsqu’ils sont par lignes ou par secteurs avec deux ou trois coéquipiers, à penser la même chose sur des temps de jeu bien identifiés. En ce qui concerne le jeu lui-même, je veux que les joueurs privilégient les relances courtes, recherchent toujours les joueurs entre les lignes, capable de jouer vers l’avant, et attaquent le dos de la ligne défensive adverse quand c’est le cas.
Utilises-tu plusieurs systèmes de jeu ? Comment gères-tu lorsque tes joueurs rencontrent des difficultés face à un adversaire ?
Cette année, nous évoluons en 1-4-3-3, Ce choix n’est pas délibéré, mais plutôt dicté par l’effectif et les caractéristiques des joueurs. Nous apportons des régulations à la mi-temps, plutôt en les questionnant pour qu’ils tentent de trouver eux-mêmes les solutions pour surmonter ces difficultés. Nous avons la chance que nos matchs soient filmés, donc les joueurs peuvent les revoir le lendemain s’ils le souhaitent et joindre les images aux commentaires.
Que penses-tu de l’utilisation de la vidéo pour les U13 ?
Nous avons utilisé les retours vidéo à deux reprises cette année et en sous-groupe. Je me sers principalement de la vidéo pour me fixer des objectifs de travail à court et moyen terme, cibler les axes d’amélioration et évaluer la progression. J’ai réuni une fois les défenseurs pour leur montrer les fondamentaux du poste que nous attendons, des choses assez simples comme la fermeture des intervalles et l’idée de défendre l’axe. J’ai utilisé des vidéos de matchs pour leur montrer quand ces principes ont été bien appliqués ou non. Cela leur sert de base d’amélioration et leur permet également de gagner en confiance.
Je lui dirais d’aller sur le terrain dès que possible. De nombreux clubs recherchent des éducateurs, il ne faut donc pas hésiter
Quels sont les challenges sur et hors terrain à surmonter au cours de cette saison ?
Ils ont connu un changement cette année, en jouant sur la totalité du terrain à 11vs11. Certains ont mis plus de temps que d’autres à s’adapter aux changements de surface de jeu notamment, mais aussi aux niveaux des oppositions qui augmente. Il y a également des changements d’environnement pour certains, qui ont changé de collège ou sont arrivés à l’internat.
Quel est le rythme des séances d’entraînement pour tes joueurs ?
Nous nous entraînons le lundi, le mardi, le jeudi et le vendredi. Le mercredi est réservé aux matchs amicaux. Le week-end, les joueurs sont libres de rentrer chez eux, et pour certains, ils jouent en compétition avec les U14.
Accessoirement, utilises-tu le futsal avec les U13 ?
Cette année, nous utilisons le futsal pendant la période hivernale, une fois par semaine. L’idée est de leur laisser beaucoup de liberté dans des matchs en 4 contre 4, plus les deux gardiens, ce qui est intéressant pour travailler sur certains aspects comme la créativité, la vitesse d’exécution, l’enchainement de tâches.
Penses-tu qu’il est important d’intégrer le futsal dans la formation d’un jeune ?
Oui, le plus tôt possible. Je pense qu’à la fin de la préformation, c’est déjà un peu tard. Intégrer le futsal, par exemple, avant les U10, ne pose, à mon sens, aucun problème au niveau physique. Commencer à 6, 7 ou 8 ans ne gêne pas le développement du corps. Vers 12, 13 ou 14 ans, pendant la période de croissance et les changements physiques, je trouve que c’est un peu tard mais des effets positifs seront toujours observés.
Quelles sont tes projets pour l’avenir ?
Je souhaite continuer à évoluer dans le football professionnel. J’aime travailler avec les adolescents et les pré-adolescents. J’aspire à avoir plus de responsabilités et, un jour, pourquoi pas proposer ma propre méthodologie.
Et d’intégrer le staff de l’équipe professionnelle ?
Non, ce n’est pas ce qui m’intéresse aujourd’hui. Je suis davantage focalisé sur la construction et le développement du joueur.
Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite devenir éducateur ?
Je lui dirais d’aller sur le terrain dès que possible. De nombreux clubs recherchent des éducateurs, il ne faut donc pas hésiter. Commencer par animer quelques séances et être en contact avec le terrain est essentiel. On peut discuter, lire des livres sur l’entrainement mais rien ne remplacera la pratique.
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