Parler du football amateur, c’est aussi mettre en lumière tous les acteurs invisibles du quotidien qui font un travail de fond conséquent pour maintenir un club à flots. Aujourd’hui, j’ai décidé de faire un focus sur un poste à responsabilité méconnu mais indispensable à toute structure du monde amateur: celui de trésorier. A cette occasion, je suis allée à la rencontre de Sarah, une femme engagée au service du club de Garches Vaucresson FC.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Sarah Cerieix, je suis maman de 2 enfants qui font du football. La section féminine étant en sous-effectif, ma fille a rejoint un autre club mais mon fils joue au club de Garches Vaucresson depuis toujours puisqu’il a débuté en U6. J’ai commencé à m’impliquer en tant que bénévole, j’accompagnais les enfants, puis j’étais active au club house puis on m’a proposé rapidement d’intégrer le Conseil d’Administration et je suis ensuite devenue trésorière.
Aviez-vous des connaissances dans ce domaine ?
Non pas spécialement, mais ayant ouvert un restaurant, j’avais une expérience de l’entreprenariat et de la comptabilité. Etant indépendante et organisée de nature, j’avais des bases de gestionnaire mais sinon je n’avais jamais intégré un club. J’ai appris sur le tas. Cela fait 2 ans et demi que j’occupe ce poste de trésorière.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous investir ?
Je suis quelqu’un d’investie dans ma vie de tous les jours. Ensuite, mes enfants sont très foot donc dans ces cas-là, on côtoie beaucoup les terrains, les éducateurs…ça créé des liens ! J’ai vite été ouverte à la discussion avec les autres bénévoles. J’ai connu 3 présidents différents depuis que mes enfants sont inscrits au GVFC. On m’a proposé de m’investir davantage, notamment quand il a fallu renouveler l’équipe dirigeante, cela m’intéressait de repartir sur de nouvelles bases, de nouveaux projets.
Ça fait partie des choses les plus difficiles. Pour commencer, je dirai que ça demande beaucoup d’organisation avec une équipe solide au niveau du bureau. Il faut qu’on s’entende bien et que l’on ait une même vision de l’avenir.
Pouvez-vous nous parler de votre club ?
Le GVFC est actuellement en Division 5, c’est un club qui regroupe les villes de Garches et de Vaucresson pour un total de 491 licenciés, 75% ayant moins de 18 ans. C’est un club très familial sous statut associatif.
Comment on fait vivre un club amateur ?
Ça fait partie des choses les plus difficiles. Pour commencer, je dirai que ça demande beaucoup d’organisation avec une équipe solide au niveau du bureau. Il faut qu’on s’entende bien et que l’on ait une même vision de l’avenir. Nous sommes tous bénévoles donc il faut une équipe solide. On discute beaucoup, on fait des réunions entre nous. Les licences nous permettent de faire vivre le club en plus des subventions municipales que l’on demande tous les ans. Tout cela nous permet de rémunérer les éducateurs, d’acheter des équipements, c’est comme ça qu’un club s’organise.
Quelles sont les principales dépenses ? et recettes ?
Pour les recettes, c’est aléatoire puisque cela dépend des cotisations et donc du nombre de licenciés, c’est ça la principale rentrée d’argent dans un club ! Les subventions nous permettent de préparer l’année d’après, c’est un peu comme un roulement. On peut aussi recevoir des dons qui sont surtout matériels comme des maillots.
La dépense principale concerne la rémunération des éducateurs, c’est une priorité, on veut que les enfants soient bien encadrés, il y a environ 1 éducateur pour 10 enfants, ce n’est pas toujours possible mais on reste autour de cette moyenne. Concernant les rémunérations cela dépend encore une fois du budget de chaque club mais il faut savoir que la tarification par séance dépend du contenu proposé par l’éducateur : apprentissage de base, apprentissage avec module, encadrement seul…C’est assez aléatoire car cela dépend de plusieurs facteurs (âge, expérience, contenu des séances…) ainsi la fourchette se situe entre 20 et 28 euros la séance d’une heure et demie suivant le contenu et le profil de l’éducateur ! Je précise que ce n’est pas un statut de salarié mais de bénévole avec contribution financière. Certains clubs ne paient pas leurs éducateurs, cela varie en fonction de la taille du club et de la situation budgétaire !
Pour les autres dépenses, il y a évidement les équipements. Chez nous, en début de saison quand quelqu’un prend une licence au club, la cotisation comprend l’inscription mais on fournit une partie de l’équipement pour l’année. C’est une charge importante pour un club. Pour visualiser ce poste de dépense, je dirai que nous dépensons environ 30 000 euros par an pour l’équipement ! Quand je parle d’équipement je parle autant des ballons, des maillots, des chaussettes etc. Tous les ans, on choisit les articles qui rentreront dans l’équipement de base distribué en début de saison, par exemple sur une année on peut décider de mettre un maillot, une paire de chaussettes, un pantalon…puis l’année d’après on va privilégier un short, un pull et un sac. On essaie ainsi de changer tous les ans pour faire un renouveau, comme ça les enfants complètent leur équipement.
Il y a toujours des choses à acheter dans un club, je pense par exemple aux ballons, aux chasubles… ça ce n’est pas évident ! Dans un club, on vit sur du prévisionnel, on essaie d’anticiper un maximum nos besoins pour l’année suivante et ça peut nous restreindre sur certains achats. Le but étant d’équilibrer les comptes et de maintenir le club à flot !
Il faut savoir aussi qu’en termes de dépenses on reverse une partie des cotisations au District 92.
On a d’autres dépenses plus à la marge, comme celles du club house, surtout lorsqu’il y a un tournoi de prévu, mais ces dépenses peuvent se transformer en recettes puisque les spectateurs viennent aussi consommer dans ce but !
Comment réussir à maintenir les comptes d’un club de football amateur à l’équilibre ?
On finit souvent à zéro ! C’est très compliqué, on essaie de se baser sur l’année d’avant et donc de faire un prévisionnel. Tenir à l’équilibre dépend aussi du nombre de licenciés, on essaie de tout rééquilibrer à chaque fois. Des fois ça peut donner des sueurs car on se dit qu’il ne faut pas de dépenses imprévues mais dans l’ensemble on y arrive !
Vous est-il arrivé de finir l’année en étant déficitaire ?
Depuis deux ans non, je touche ma tête pour que ça n’arrive pas d’ailleurs ! On s’en sort plutôt bien pour le moment, on paie tout le monde comme il faut et jusqu’au bout de la saison !
Quel type de subvention touchez-vous ?
On ne reçoit que des subventions de la part de la Mairie. Tous les ans, on demande une somme, et on nous alloue une enveloppe d’environ 14 000 euros.
Existe-il des subventions pour les clubs comme le vôtre, directement versées par le Ministère des Sports ? la FFF ?
Non, pas à ma connaissance.
Quelles sont les difficultés que vous pouvez rencontrer en tant que trésorière ?
Le plus compliqué pour moi, c’est de calculer la partie qui concerne les éducateurs, c’est-à-dire vérifier quelle séance a été faite par quel éducateur, si celle-ci a bien eu lieu…c’est cette partie qui me prend le plus de temps dans mon travail de trésorière. Pour le reste, quand je reçois une facture, j’effectue le paiement et je fais l’enregistrement dans le logiciel, la partie « éducateur » c’est plus fastidieux d’autant plus qu’il y a plusieurs catégories dans le club des U6 jusqu’aux seniors, avec une trentaine d’éducateurs enregistrés, il faut retrouver chaque séance dispensée avec tel module…C’est un travail de recherche minutieux! Le fonctionnement d’un club de football c’est finalement le même qu’une entreprise.
Pensez-vous qu’il y ait une fracture entre le monde amateur et professionnel dans le football ?
Oui totalement ! Pour les petits clubs comme le nôtre, il n’y a pas assez d’aides, il n’y a pas vraiment de redistribution, c’est aussi pour cela que c’est difficile de faire fonctionner un club amateur, on ne peut compter que sur notre travail, sur celui des bénévoles et sur l’aide de la mairie ! Quand on voit le monde professionnel c’est totalement différent ! Pour ma part ce qui me choque le plus c’est plutôt les personnages du monde professionnel, en ce qui concerne la partie financière un monde nous sépare mais ça s’explique, on sait que les clubs professionnels touchent des subventions, qu’ils sont rémunérés grâce aux retransmissions…
Quelles solutions essayez-vous de mettre en place pour tenter d’accroitre la trésorerie ?
On essaie d’en mettre en place depuis cette année et l’arrivée du nouveau Président à la tête du club ! L’idée c’est d’aller démarcher de grandes entreprises, de grands groupes mais aussi des entreprises locales dans le but d’obtenir des dons afin d’acheter des maillots, pourquoi pas un mini-bus…Il y a aussi des parents qui travaillent dans de grands groupes et qui arrivent par ce biais à nous faire des donations. Tout cela permet de réduire les dépenses dans un club, et faire de la pub aux entreprises partenaires qui apparaissent sur les maillots. Le sponsoring local est quelque chose d’intéressant. Tout est encadré puisque l’on fait remplir un document cerfa qui correspond à un reçu fiscal de don et versement par les entreprises.
Pouvez-vous nous donner des exemples de dépenses élémentaires ?
L’équipement enfant de base que l’on a fourni en début d’année (short, t-shirt, chaussettes, sac), s’élève à près de 40€, pour le licencié adulte c’est aux alentours des 50€. Concernant les ballons par exemple, on a dépensé 290€ pour 10 ballons à la rentrée de septembre ! Il y a beaucoup d’éléments que l’on garde d’une année sur l’autre, on privilégie le réemploi quand c’est possible. On reçoit aussi quelques fois certaines dotations de la part du District comme des plots, des chasubles, des ballons…notamment lorsque des tournois sont organisés à domicile.
A cela, il faut ajouter les dépenses liées à l’équipement de nos éducateurs comme les chaussettes, les pantalons, les pulls… Tous les ans, on passe commande selon les besoins de chacun.
On est très ouvert aux paiements en plusieurs fois, on ne dira jamais non à un enfant qui veut s’inscrire même si les parents ont des soucis au niveau financier !
Quel est le prix d’une Licence dans votre club et ce tarif est-il le même dans tous les clubs ?
Chaque club propose un tarif différent et il ne dépend pas de la Fédération. Dans notre club, on est plutôt dans une moyenne basse. Le prix des licences varie selon la catégorie d’âge, c’est 180 € pour les vétérans, 239€ pour les séniors, pour les jeunes cela oscille entre 180€ pour les filles et de 270€ à 300€ selon la commune de résidence.
Est-ce que le prix des Licences peut être un frein à l’inscription de certaines familles plus vulnérables financièrement ?
Non, pas chez nous. On est très ouvert aux paiements en plusieurs fois, on ne dira jamais non à un enfant qui veut s’inscrire même si les parents ont des soucis au niveau financier ! Pour les 11- 18 ans, il y a l’offre Pass + qui a été mise en place par les départements des Hauts de Seine et des Yvelines. Ce dispositif permet entre autres de bénéficier de 80 à 100 euros pour les activités sportives et culturelles. Les familles en difficulté peuvent aussi obtenir des aides de la CAF, profiter d’une aide de 50 euros avec le Pass’Sport… et puis, on accepte aussi les chèques vacances.
Quels sont vos principaux investissements ?
On investit surtout dans le devenir des enfants…mais on ne fait pas d’investissement au sens strict du terme. Les infrastructures et le terrain appartiennent aux communes. Les lieux sont mis à notre disposition gracieusement, en contrepartie, on fait le nécessaire pour garder les endroits propres et en bon état. C’est pareil pour le Club House, on fait en sorte d’entretenir au mieux.
Est-ce que vous prévoyez de développer la communication digitale sur les réseaux sociaux ?
Oui, c’est un nouveau projet justement ! Nous avons un alternant au club depuis cette année, il se charge de prendre des photos, donner des informations aux parents et aux extérieurs via nos réseaux sociaux. Son travail nous permet de générer de la visibilité. La communication, c’était le point que nous avions du mal à gérer au club faute de temps, car pour faire quelque chose de bien, il faut faire un travail suivi. Je pense que c’est une bonne idée et qu’on ne peut plus se passer de communiquer même en tant que club amateur ! Pour améliorer, il faut investir, et la communication fait partie des nouvelles dépenses essentielles. Aujourd’hui, notre alternant est payé par le club à hauteur de 78% du SMIC sur un contrat de 25 mois. On bénéficie d’une aide de 6000€ la première année, ensuite, on devra rechercher des subventions ou autre pour prendre en charge en intégralité son salaire sur les mois restants. Ce type d’investissement a un coût mais celui-ci est, je pense rentable en tous points de vue : humainement et stratégiquement.
Comment arrivez- vous à gérer ce travail de bénévole en plus de votre vie pro et personnelle ?
(Rires) Comment je gère tout ça ? Je ne sais pas ! J’aime être occupée même si c’est compliqué, d’autant plus que je suis maman célibataire et que j’ai plusieurs activités professionnelles. Un seul mot : l’organisation ! Je suis obligée de dédier chaque jour à une tâche particulière, sinon on est vite dépassé !
Combien de temps est-ce que vous dédiez au bénévolat ?
C’est difficile à estimer…je dirai environ 5 heures par semaine pour la comptabilité ce qui inclut les paiements, les enregistrements de factures… Après, il y a le bénévolat au club, mais honnêtement, c’est impossible à dire, on ne calcule pas en fait, c’est dans notre planning. On ne réfléchit pas au temps que l’on donne…en fait quand on est bénévole dans un club, on ne compte pas. Si on commence à compter, ça n’a aucun sens, et ça serait mettre cette activité au même niveau qu’un travail. Or, on n’a pas de salaire mais juste un plaisir immense à faire avancer un club, à travailler en équipe et à voir des enfants heureux ! S’engager demande beaucoup de temps et d’énergie mais ça procure beaucoup de satisfaction !
Et avec tout cela, est-ce que vous trouvez le temps de jouer au foot ?
Oui, je joue au foot ! On a monté une équipe de mamans en 2022, et on joue le vendredi soir ! On n’est pas assez, c’est vraiment dommage… mais on essaie de recruter ! C’est très sympa, on apprend à jouer, on passe de bons moments, c’est chaleureux et on joue souvent avec les enfants à la fin, c’est génial, c’est un super moment de partage ! Je suis ravie d’être dans ce club, c’est une grande famille et le foot comme ça c’est top !
Interview réalisé par Laetitia