Marwen Le Mag Educateur

Interview de Marwen

par Le Mag de l'Educateur

Kick-off du Tour de France des acteurs du football amateur. Aujourd’hui place à Marwen, éducateur au sein de l’ASPTT Montpellier Métropole. A travers cet échange, on découvre ce qui l’a poussé à encadrer des jeunes, son exigence, son éthique de travail et les difficultés qu’il surmonte. Sans plus attendre, place à l’échange

Peux-tu te présenter sommairement aux personnes qui lisent ces lignes ?
Marwen, 30 ans, originaire de Marseille et vivant à Montpellier. J’ai repris le coaching il y a 3 saisons, après une parenthèse liée aux études et aux contraintes professionnelles.

Cette saison j’étais en charge d’U15.

Tu as toujours encadré des U15 ou tu as officié dans d’autres catégories ?
Il y a une dizaine d’années j’avais des U13 (ça ne portait pas ce nom de catégorie à l’époque) et quand j’ai repris il y a 3 ans je suis reparti sur des U9, puis des U13 et je suis monté avec eux cette saison.

Depuis combien de temps es-tu éducateur et qu’est-ce qui t’as poussé à te lancer ?
Au global j’ai encadré des équipes durant 5 années en discontinu.C
J’ai souhaité me lancer d’une part pour mon intérêt à propos des questions tactiques mais surtout pour un souhait de transmission.

La saison vient de s’achever, quel bilan tires-tu à l’issue de cette année et quelles sont les axes d’améliorations que tu as identifiés pour la saison prochaine ?
Bilan mitigé, j’avais des U15 et des U14 et le message n’est pas forcément très bien passé avec les U15. A priori la méthode n’était pas adaptée au groupe qu’on avait cette saison.

A contrario avec les U14, le résultat était plus positif, nous avons pu bien travailler et on note de belles progressions.
En synthèse mitigé + !

Quelles sont les méthodes qui ne sont pas passées ?
Avec les gens qui m’accompagnent on ne laisse pas mal de liberté aux joueurs et de faire en sorte qu’ils en viennent à comprendre le foot plutôt qu’à appliquer bêtement des consignes et des animations. Sans doute que pour une partie du groupe ils avaient plus besoin ou plus envie d’avoir des personnes qui les maternent un petit peu plus et c’est un terrain sur lequel nous avons refusé d’aller.

Au-delà du foot, nous sommes éducateurs et non entraîneurs et je pense que responsabiliser les gamins fait aussi partie de leur construction.

Du coup tu restes sur la même catégorie d’âge ou tu souhaites suivre ton groupe ?
Je reste sur la même catégorie, avec les U14 qui vont basculer en U15 et des U13 qui vont découvrir le football à 11, nous avons déjà commencé la transition d’ailleurs.

Par rapport à cette transition foot à 8 – foot à 15, quels conseils donnerais-tu à un éducateur pour qui réussisse au mieux cette étape ?
Il y a une grande part de mental à cet âge-là, dans la mesure où je considère que le foot à 8 et le foot à 11 sont deux sports différents. Tu vas avoir des gamins qui sont excellents au foot à 8 et qui vont être perdu à 11, du moins au départ.

Inversement, des enfants qui n’arrivaient pas à s’exprimer en foot à 8 vont se révéler en foot à 11.

Je pense que les principaux écueils à éviter sont d’essayer de ne pas faire trop complexe au départ. Il faut repartir des bases en réapprenant comment se situer dans l’espace par exemple.

 

« Penser s’inspirer de Bielsa, de Klopp, de Guardiola ou que sais-je, c’est je pense faire fausse route car nous n’avons simplement pas les mêmes outils »

 

Tu ne souhaites pas exercer sur d’autres catégories avec des joueurs plus âgés ?
Pour l’instant je souhaite rester sur cette catégorie car ce me permet de boucler un cycle de 3 ans avec des jeunes que j’avais récupéré en U13. Je trouve que 3 ans c’est la bonne temporalité pour un groupe, moins c’est compliqué avec notre méthode qui est de laisser plus de liberté et donc un logiciel à appréhender. Plus je trouve que c’est un peu long, d’un côté comme de l’autre, il y a besoin de nouveautés.

Pour le moment je suis bien sur cette catégorie, mais à terme je ne m’interdis pas de monter.

U16, U17 a l’air d’être la catégorie la plus intéressante pour moi, car je pense que les joueurs ont acquis un certain nombre de bases tactiques et qu’on peut commencer à travailler sur des choses encore plus approfondies.

On a évoqué il y a quelques minutes des difficultés du passage du foot à 8 au foot à 11, si on prend de la hauteur, quelles sont les autres difficultés que tu as pu rencontrer en tant qu’éducateur et comment tu as pu les surmonter ?
Compliquer d’en ressortir car il y en a tellement.

Mais avant de parler de considérations technico-tactiques, avant toute chose il y a la gestion d’un groupe : quelle équipe type, comment faire la rotation de manière pertinente, car avec le passage à 11 rentre on introduit entres autres les notions de compétition, de concurrence.

L’autre difficulté, mais j’en suis immunisé par mon caractère, c’est de ne pas s’illusionner par le résultat et rester concentrer sur le processus et de faire comprendre à des gamins de 11 à 14 ans que c’est le travail et le processus qui comptent.

Que nous adultes, on ait la hauteur de vue de savoir que le progrès passe par le travail est relativement simple mais ça peut être plus compliqué à accepter pour des enfants.

Le plus compliqué, et c’est les plus grands entraîneurs qui le disent à commencer par Ancelotti, le plus compliqué est de réussir à faire passer le message et se faire comprendre.

On peut avoir le plus beau projet de jeu du monde, les plus belles animations offensive et défensive, transition, coup de pied arrêtés et tout ce qu’on veut, à la fin ce qui compte c’est la vérité du terrain et la capacité à s’adapter à l’effectif que tu as.

Tu viens de citer un technicien qui est cher à tes yeux, il y en a-t-il d’autres qui t’inspirent dans ce que tu veux que ton groupe reproduise sur le terrain ?
D’autres vont m’inspirer dans la méthode, il faut se rendre à l’évidence qu’on ne pratique pas la même activité ! Penser s’inspirer de Bielsa, de Klopp, de Guardiola ou que sais-je, c’est je pense faire fausse route car nous n’avons simplement pas les « mêmes outils ». Nous n’avons pas de joueurs finis.

Après il y a des idées qui m’inspirent, des football qui me plaisent mais ça va plutôt être par exemple chez Bielsa de responsabiliser les joueurs et de faire en sorte qu’ils comprennent ce qu’ils font et non pas qu’ils appliquent bêtement quelque chose.

Ça va plutôt être dans cette veine-là plutôt que de dire : « je vais jouer le Gegen pressing de Klopp ».

Je trouve que ça fait très prétentieux en tant qu’éducateur, d’autant plus à un niveau district, de s’inspirer de tel ou tel coach pro.

Sur la semaine du as combien de séances et comment tu établies ton planning ? Au niveau de l’intensité c’est une valeur non négociable pour toi ?
J’ai 3 séances, et je n’ai pas une programmation annuelle au sens fédéral du terme mais elle se fait avec des blocs de 3 semaines / 1 mois. En général sur un principe offensif et un autre défensif avec une dominante en général dans les séances. A titre d’exemple sorties de balle pour moi c’est un principe offensif même si c’est plutôt les défenseurs qui vont travailler.

Je n’ai pas une programmation fixe chaque semaine.

Généralement le lundi c’est un exercice, une situation qui reprend un des problèmes qu’on a pu rencontrer le week-end.

On essaie de finir la semaine (le jeudi) par une vingtaine de minutes de coup de pieds arrêtés, car c’est des choses souvent négligées mais c’est important dans le foot.

Pour ce qui est de l’intensité effectivement c’est quelque chose de non négociable. Intensité, application et concentration sont le triptyque sur lequel il peut y avoir des prises de bec ou des soufflantes auprès des joueurs. On part du principe qu’on peut rater une passe, on peut rater une intervention défensive, on peut rater absolument tout, mais le fait de courir ça dépend que de soi-même. Les joueurs ont des séances et un encadrement de qualité, la moindre des choses c’est de respecter ça et de travailler. Si tu ne te donnes pas à l’entraînement tu peux t’attendre à jouer en 2 le week-end.

Ça nous est arrivé régulièrement cette saison de partir avec 7 à 9 U14 convoqués alors qu’on jouait contre des équipes

Du coup si tu es dans la responsabilisation sur le banc, pendant les matches, tu n’es pas du genre très actif voir expressif pendant la durée du match ?
Exactement ! Je pense que je suis une espèce rare sur les terrains amateurs, qui peut provoquer de la surprise pour les parents. Ces derniers sont habitués aux éducateurs qui crient, qui gesticulent.

Je fais de la remise en place, de la micro-chose.

Offensivement les joueurs sont assez autonomes par contre défensivement ils ont souvent tendance besoin à avoir besoin qu’on les pousse un peu.

En gros le deal avec eux est le suivant : on vous casse la tête les 3 séances de la semaine mais on vous laisse tranquille le week-end et globalement ça fonctionne plutôt bien.

 

« Moi j’ai une exigence qui est très élevée, ce n’est pas parce que j’officie en district que je ne dois pas produire de la qualité aux gamins »

 

Globalement ils arrivent à bien mettre en place le plan de jeu que vous avez définit en amont, ou tu te rends compte que c’est en complet décalage par rapport aux consignes que vous avez données ?
Ça peut arriver qu’il y ait des décalages et quand ça arrive on tente de rectifier le tir, je ne suis pas totalement mutique sur le banc mais la plupart du temps on voit l’idée. Après comme le dit si bien Bielsa « à l’entrainement on fait ce qu’on veut et en match on fait ce qu’on peut », car il y a quand même un adversaire qui est là, un contexte différent qu’à l’entraînement.

De manière général on est satisfait de la production de nos joueurs.

Tout à l’heure, tu faisais référence, à un acteur qu’on parle de plus en plus c’est dernier temps : les parents. As-tu été confronté à des parents touchés par une « projet Mbappé » aigue ?
Au tour du terrain non car les choses sont assez clairement établies avec une charte signée aux parents en début de saison en leur indiquant qu’en cas d’écart c’est leur enfant qui aller en pâtir.

C’est un sport collectif et s’ils veulent être le coach individuel de leur enfant il faut les mettre au tennis et les coacher.

J’ai connu un épisode avec un enfant où la mère poussait pour le faire monter en U17 et nous estimions qu’ils n’étaient pas encore prêt. Finalement il a été surclassé et ça n’a pas eu d’impact sur le reste du groupe mais ça nous a pollué l’extra sportif pour nous.

Je suis préservé car je suis en niveau district, mais j’ai un ami qui s’est fait débarquer car les parents ont eu sa tête alors que les résultats n’étaient pas mauvais.

Comme le disait très bien Coach Mamad dans le temps additionnel du club des cinq, dédié à cette problématique, la responsabilité elle vient des clubs.

L’institution, pas de manière pompeuse, doit être clairement présente et doit se positionner frontalement vis-à-vis des parents, c’est aussi ça être exigeant.

Tu as 3 séances par semaines, tu as une activité professionnelle qui occupe ta semaine également, ta semaine type se compose comment car le temps n’est pas extensible, quels sont tes secrets d’organisation ?
J’ai la chance d’avoir un emploi de bureau avec du télétravail qui me donne de la latitude et me permet de préparer mes séances sereinement.

J’ai la caractéristique de très peu dormir, et ça me permet de consacrer beaucoup de temps à revoir les matches, préparer des séances vidéo.

Je capitalise et gagnerai du temps avec l’expérience en enrichissant mon répertoire d’exercices qui une ressource précieuse pour moi car j’optimise mon temps en adaptant les exercices plutôt que de partir d’une feuille blanche à chaque fois. L’adaptation est importante pour apporter de la nouveauté.

Le temps de préparation des séances, le travail de vidéo tu le valorise à combien de temps sur une semaine ?
En prenant en compte l’encadrement (préparation, séances et matches le week-end), je dois être à entre 15 à 20 heures je pense, on est sur un mi-temps quoi !

C’est important de remettre en perspective et mettre en valeur la partie immergée de l’iceberg, ce n’est pas que 3 séances et un match dans la semaine.
Pour certains ça se limite à ça. Moi j’ai une exigence qui est très élevée, ce n’est pas parce que j’officie en district que je ne dois pas produire de la qualité aux gamins. C’est cette exigence qui me permet d’être exigeant avec eux.

Je ne me vois pas être exigeant à leur encontre si je ne l’étais pas moi-même.

Quels conseils donnerais-tu à une personne qui hésite à se lancer pour la saison prochaine ?
Va taper à la porte d’un club à côté de chez toi. Tous les clubs sont en manque de bénévoles.

N’hésite pas à commencer en tant qu’adjoint ou binôme.

Tu seras reçu à bras ouverts et tu seras bien encadré.

N’hésite pas à poser des questions, personne ne sait fait tout seul, contrairement à ce que veut nous faire croire la société néo-libérale.

N’aies pas peur de l’échec et fais ! Des choses seront ratées, des difficultés seront à surmonter, il n’y a pas que des bons moments, il ne faut pas enjoliver la chose, de surcroit quand tu mets de la passion.

C’est comme les joueurs, ils vont progresser en faisant des erreurs et bien toi c’est la même, tomber et se relever pour progresser.

Le Mag se veut être un média de partage, aurais-tu un exercice à proposer aux éducateurs qui liront cet échange ?

Séance de Marwen à télécharger

 

ITW réalisé par Rafik
Edition par Alibi

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